Meta : « Faites un choix concernant les publicités »

La mise à jour des CGU de Meta

Depuis le 7 novembre 2023 vous avez du rencontrer le message suivant lors de l’ouverture de l’une des applications de la société META (Instagram, Facebook) : « dans le cadre de l’évolution des lois dans votre région, vous pouvez maintenant choisir de continuer à utiliser les produits Meta gratuitement en nous autorisant à utiliser vos informations pour les publicités ou de vous abonner pour les utiliser sans publicités. ». Le coût de cet abonnement ? 9,99 Euros par mois sur ordinateur et 12,99 Euros par mois sur mobile.

Facebook, instagram pourquoi renoncent-ils à la gratuité ?

Quelle est cette évolution des lois à laquelle fait référence la société Meta qui l’aurait poussé à renoncer à son engagement sur la gratuité de ses services ? Le slogan « it’s free and always will be » a d’ailleurs été retiré depuis 2018 de la page d’accueil du site.

En réalité aucune évolution récente de la réglementation ne justifie ce revirement de la part de la société Meta. En effet la réglementation à laquelle fait référence la société Méta dans son message est le Règlement général sur la protection des données (RGPD) entré en vigueur le 24 mai 2016 et applicable depuis le 25 mai 2018.

Ce règlement dispose en son article 6 :

  1. Le traitement n’est licite que si, et dans la mesure où, au moins une des conditions suivantes est remplie:
    1. la personne concernée a consenti au traitement de ses données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques;
    2. le traitement est nécessaire à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie ou à l’exécution de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci;
    3. le traitement est nécessaire au respect d’une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis;
    4. le traitement est nécessaire à la sauvegarde des intérêts vitaux de la personne concernée ou d’une autre personne physique;
    5. le traitement est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le responsable du traitement;
    6. le traitement est nécessaire aux fins des intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers, à moins que ne prévalent les intérêts ou les libertés et droits fondamentaux de la personne concernée qui exigent une protection des données à caractère personnel, notamment lorsque la personne concernée est un enfant.

En conséquence pour se conformer à la réglementation européenne sur la protection des données, la société Meta n’avait, depuis 2018, d’autres choix que de requérir expressément le consentement des utilisateurs de la plateforme. Or la société Meta s’est toujours refusée à demander un tel accord de peur de faire face à une fuite massive des utilisateurs de ses plateformes.

Se pose alors la question du pourquoi maintenant.

Pour cela un petit rappel historique sur le traitement des données personnelles des utilisateurs de ses produits par Meta est nécessaire.

Meta face a LA justice

Tout le monde se souvient en 2016 du scandale de Cambridge Analytica intervenu au cours de la campagne présidentielle américaine. La société Facebook, à l’époque, avait transféré les données personnelles de millions de personnes à leur insu au profit de la société Cambridge Analytica à des fins de profilage et influences politiques. Entrainant un premier déboire judiciaire conséquent pour la société Meta.

En suite de l’entrée en vigueur du RGPD, dont l’une des principales mesures (cf. ci-dessus) est l’exigence d’un consentement expresse des utilisateurs pour le traitement de leurs données personnelles par les plateformes internet notamment, la société Meta a continuellement cherché à éviter de demander ce consentement aux utilisateurs de ses produits afin d’éviter un éventuel départ massif.

La société Meta a utilisé deux arguments devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) pour justifier de son respect du RGPD, la possibilité d’une collecte de donnée aux fins de garantir l’exécution d’un contrat (exception prévue par le règlement) ou encore que l’accord exprès des utilisateurs était donné lorsque ces derniers acceptaient les conditions générales d’utilisation (CGU) de ses services.

Ces deux arguments ont été retoqués par la CJUE, dans la lignée des décisions rendues précédemment par le Comité Européen de la Protection des Données (CEPD), dans un arrêt du 4 juillet 2023, la Cour laissant aux juridictions nationales le soin de se prononcer de manière définitive sur ces points.

En effet, l’argument de l’accord express obtenu par l’acceptation des CGU des plateformes de la société Meta ne peut être reçu au motif que l’acceptation des CGU ne constitue pas un consentement pour une utilisation spécifique (un consentement par traitement) et univoque des utilisateurs. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) le détaille dans sa fiche en date du 3 août 2018 relative à la collecte du consentement de personnes physiques pour le traitement de leurs données personnelles.

Le second argument relatif à la nécessité contractuelle a déjà été réfuté par la CEPD au motif que les données étant utilisées à des fins de profilage comportemental servant à mettre en place un ciblage publicitaire, la collecte des données ne pouvait par conséquent bénéficier de l’exception prévue par l’article 6 b) du RGPD.

Il convient de préciser également que la société Meta a été condamnée à une amende de 1,2 milliard d’Euros par le gendarme irlandais de la protection des données, soit la plus grosse amende à date imposée en Europe dans le domaine.

L’abonnement pour se conformer à la loi

C’est donc en suite de ces déboires judiciaires que la société Meta a décidé de choisir une troisième voix, la proposition d’un abonnement pour « se conformer à la loi », le refus dudit abonnement entrainerait consentement automatique de l’utilisateur des produits Meta pour l’exploitation par cette dernière de ses données personnelles.

Cette décision de la société Meta demeure néanmoins bancale, dès lors que le prix demandé pour l’abonnement alternatif peut être jugé excessif et le consentement de l’utilisation des données en résultant forcément contraint.

Se pose également la question de la position dominance de la société Meta, en effet aucun service concurrent n’existe à ce jour, les utilisateurs n’ont donc pas d’autres alternatives que d’accepter les conditions, notamment financières, imposées par cette société.

Les autorités de contrôles et les juridictions européennes ont donc encore du travail sur cette question dont l’évolution promet d’être intéressante. Affaire à suivre…..

Les rebondissements de l’affaire Meta sont des indicateurs de la nécessité pour les professionnels souhaitant ou nécessitant la récolte de données personnelles de mettre en place une réelle politique d’obtention des consentements, de protection et de gestion desdites données.

Passionné par mon métier et le sport, je punch aussi bien du gauche que du droit ! Retrouvez tous mes articles techniques et de vulgarisation pour bien comprendre le droit des sociétés et des marques