L’opération d’apport-cession : un outil d’optimisation fiscale pour la transmission d’entreprise
Qu’est-ce que l’apport-cession ?
L’apport-cession est une opération juridique et financière permettant à un actionnaire de transférer ses titres à une holding qu’il contrôle, avant que cette dernière ne les cède. Ce mécanisme d’optimisation fiscale est prévu à l’article 150-0 B ter du Code Général des Impôts. L’intérêt majeur réside dans le report d’imposition de la plus-value réalisée lors de l’apport.
Comment fonctionne l’apport-cession ?
Développons ensemble le fonctionnement de l’apport-cession. Cette opération, bien que technique, repose sur un mécanisme assez simple en trois étapes.
Première étape, vous apportez vos titres à une holding.
Vous possédez des actions d’une entreprise. Au lieu de les vendre directement, vous les transférez à une société holding que vous contrôlez. Cette holding est une société que vous avez créée ou dont vous êtes l’actionnaire majoritaire. En échange de ces titres, la holding vous donne des parts sociales ou des actions de sa propre structure. Juridiquement, cette action d’apport est considérée comme une vente, ce qui signifie qu’une plus-value, c’est-à-dire un gain, peut être constatée et donc potentiellement imposable.
En effet, cette plus-value serait normalement immédiatement imposable. Or, comme vous détenez plus de 50% du capital de la holding bénéficiaire de l’apport l’imposition de cette plus-value est reportée sous condition que la holding conserve ces titres pendant une durée de 3 ans.
Ce report d’imposition est appelé à prendre fin si la holding cède les titres apportés avant le délai de 3 ans susmentionné.
C’est à cette étape qu’intervient l’intérêt du mécanisme d’apport-cession.
Deuxième étape, la holding cède les titres à un tiers.
Dans un délai inférieur à trois ans, votre holding cède les titres apportés à un tiers au prix de l’apport. C’est-à-dire sans réaliser de plus-value. Cette vente constitue la deuxième étape. Il est crucial de noter que, sous certaines conditions, le report d’imposition initial peut être maintenu, évitant ainsi l’imposition immédiate de la plus-value réalisée lors de l’apport, la cession par la holding n’engendrant pas de nouvelle plus-value.
Troisième étape, la holding réinvestit le produit de la vente.
Pour que le report d’imposition soit maintenu et devienne effectif, la holding a l’obligation de réinvestir une partie du produit de la vente des titres. Plus précisément, elle doit réinvestir au minimum 60% de ce produit dans une activité économique éligible. Nous entendons par éligible toute activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l’exception de la gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier.
Ce réinvestissement doit être réalisé dans un délai de deux ans à compter de la date de la vente des titres par la holding. L’objectif de cette obligation est d’encourager le réinvestissement dans l’économie réelle plutôt que de simplement permettre une optimisation fiscale sans contrepartie économique.
Le réinvestissement doit avoir pour objectif de conférer à votre holding le contrôle de l’activité dans laquelle le produit de la vente a été réinvesti. Ce contrôle peut résulter de la création d’une nouvelle activité éligible, du rachat d’une société exerçant une activité éligible ou par souscription en numéraire à une augmentation de capital, dès lors qu’à l’issue de ces opérations votre société holding détiendra le contrôle de la société cible.
Le réinvestissement indirect, une option offerte dans le cadre de l’apport-cession.
Au lieu d’investir directement dans une entreprise, la holding peut choisir de placer les fonds issus de la cession dans des structures spécialisées dans le capital-investissement. Concrètement, cela signifie souscrire des parts ou actions dans des fonds tels que les FCPR (fonds communs de placement à risques), les FPCI (fonds professionnels de capital-investissement), les SLP (sociétés de libre partenariat) ou encore les SCR (sociétés de capital-risque). Ces fonds investissent ensuite dans des entreprises non cotées, souvent des PME en forte croissance. C’est donc une manière d’orienter les fonds vers le financement de l’économie réelle, tout en respectant les conditions du réinvestissement dans le cadre de l’apport-cession.
Délais de souscription et de versement :
Il est important de respecter certains délais pour ce type de réinvestissement. La holding doit s’engager à souscrire dans un de ces fonds dans les deux ans qui suivent la cession des titres. Cet engagement formalise l’intention d’investir. Ensuite, le versement effectif des sommes promises doit intervenir au plus tard cinq ans après la signature de chaque engagement. Il y a donc une phase d’engagement puis une phase de libération des fonds, avec des délais distincts à respecter. Par exemple, la holding s’engage à investir 1 million d’euros dans un FPCI dans les deux ans suivant la cession. Elle aura ensuite jusqu’à cinq ans après cet engagement pour verser effectivement ce million d’euros au FPCI.
Obligation de conservation des titres :
Enfin, une dernière condition importante concerne la durée de conservation des titres ou biens acquis grâce au réinvestissement. La holding doit conserver ces actifs pendant au moins douze mois, c’est-à-dire un an, à compter de la date où ils sont inscrits à son actif. Cette règle vise à s’assurer que le réinvestissement n’est pas une simple opération de court terme et qu’il s’inscrit dans une perspective d’investissement plus durable.
Quelles sont les pièces nécessaires pour formaliser l’apport ?
Voyons maintenant les formalités importantes concernant l’acte d’apport dans le cadre d’une opération d’apport-cession.
Nomination d’un Commissaire aux apports ad-hoc :
La première étape est la nomination par la collectivité des associés d’un Commissaire aux comptes, appelé Commissaire aux apports, chargé de valider la valeur de l’apport en nature (titres, fonds de commerce etc…) ainsi que la rémunération de l’apport.
Le Commissaire aux apports vérifie notamment :
- Les modalités des opérations en cours ;
- La situation juridique des sociétés parties à l’opération ;
- L’existence et la propriété des biens apportés ;
- La valorisation des biens apportés ;
- L’existence d’éventuel avantages particuliers.
L’acte d’apport : un document écrit obligatoire :
L’apport d’un bien en nature à une société doit impérativement être constaté par un document écrit. Ce document peut être un acte authentique, c’est-à-dire rédigé par un notaire, ou un acte sous-seing privé, rédigé par les parties elles-mêmes. Quoi qu’il en soit, la forme écrite est une obligation légale.
Les mentions obligatoires dans l’acte :
Cet acte d’apport doit contenir des informations obligatoires relatives notamment à l’origine de la propriété du bien apporté, aux parties à l’opération d’apport, à la rémunération des apports et au régime fiscal etc… Il est donc crucial de s’assurer que toutes ces mentions figurent bien dans le document pour éviter tout problème juridique ultérieur.
Le Cabinet BUEDER AVOCAT intervient dans ce domaine depuis plusieurs années et saura vous accompagner pour éviter toutes difficultés.
Fourniture de documents comptables :
Pour vérifier la situation financière de la société qui reçoit l’apport et la valeur des éléments apportés, il est nécessaire de fournir des documents comptables. Ces documents permettent d’avoir une vision claire et précise de la santé financière de l’entreprise et de la valeur des apports réalisés.
Formalités liées à l’opération d’apport :
L’apport doit également faire l’objet d’une publication dans un support d’annonces légales, dans le département du siège social de la société dont les titres sont apportés. Cette publication permet d’informer les tiers de l’opération. Elle doit contenir des informations précises sur l’apport réalisé.
Les documents relatifs à l’apport, y compris le rapport du commissaire aux apports, doivent être déposés au greffe du tribunal de commerce compétent.
Enregistrement de l’apport auprès de l’administration fiscale :
Enfin, et c’est une étape cruciale, l’apport doit être enregistré auprès de l’administration fiscale. Cet enregistrement est obligatoire, sous peine de nullité de l’opération, notamment lorsque l’apport est constaté par un acte sous signature privée. L’enregistrement doit précéder la publication dans le support d’annonces légales et au Bodacc (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales).
Quelles sont les pièces nécessaires pour formaliser la cession ?
Examinons maintenant les étapes et les documents nécessaires lors de la cession des titres dans le cadre d’un apport-cession. Cette étape cruciale requiert le respect de plusieurs formalités.
L’acte de cession : un écrit indispensable :
Toute cession de titres doit obligatoirement être constatée par écrit. Cet écrit peut prendre deux formes : un acte sous signature privée, signé directement par les parties, ou un acte notarié, rédigé et authentifié par un notaire. Il est important d’établir autant d’exemplaires de cet acte qu’il y a de parties concernées par la cession, plus un exemplaire pour l’enregistrement auprès des impôts et éventuellement un autre pour le dépôt au siège social de l’entreprise. Cette obligation peut être satisfaite dans certains cas par le dépôt d’un formulaire Cerfa 2759-SD.
Cependant, compte tenu de la complexité de l’opération, dans la pratique, l’acte de cession et souvent l’apport susmentionné, sont souvent précédés d’un protocole d’accord de cession sous diverses conditions suspensives fixant les modalités de l’opération.
L’acte de cession, appelé dans la pratique acte réitératif, reprend généralement l’ensemble des éléments figurant dans le protocole d’accord susmentionné et constate la réalisation des diverses conditions suspensives.
Nous vous invitons à porter une attention particulière sur la rédaction de ce socle d’acte qui sont les fondations de la réussite de votre opération d’apport-cession.
Enregistrement fiscal et publicité légale : deux formalités essentielles :
L’acte de cession ou la déclaration Cerfa 2759-SD doit impérativement être enregistré auprès de l’administration fiscale. Cet enregistrement est une condition de validité de la cession. De plus, pour informer les tiers de la transaction, la cession doit être publiée dans un journal d’annonces légales et au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). Cette publication doit intervenir dans les quinze jours suivant la date de l’acte de cession.
Attestations et déclarations : un suivi administratif rigoureux :
La société qui bénéficie de l’apport initial doit joindre à sa déclaration de résultat annuelle une attestation spécifique. Cette attestation doit mentionner la nature et la date de l’événement qui a affecté les titres, ainsi que le nombre de titres concernés. De plus, cette même société doit également joindre à ses déclarations de résultats un état de suivi des plus-values qui n’ont pas été imposées lors de l’apport initial. Cela permet un suivi précis de l’opération par l’administration fiscale.
Votre société holding qui a bénéficié de l’apport doit également joindre à la déclaration de résultat annuelle une attestation de remploi contenant les informations suivantes :
- le montant du produit de cession réinvesti ;
- la nature et la date du réinvestissement ;
- le cas échéant, la dénomination et l’adresse du siège social de la société dans laquelle le produit de la cession des titres a été remployé.
Autres documents pouvant être nécessaires :
En complément de ces documents principaux, d’autres pièces peuvent être requises en fonction de la forme de la société. Notamment, une copie des statuts à jour de la société cédée, reflétant la nouvelle répartition du capital social après la cession, peut être nécessaire.
Les formalités post cession sont à la charge de l’acquéreur et ne sont pas traitées dans le cadre de cet article, votre société holding n’est tenue que de formalités déclaratives fiscales.
Suite à la cession, votre société holding disposera d’un délai de deux à compter de la réalisation de la cession pour réinvestir 60% du prix de la cession dans une activité économique éligible (cf. ci-dessus).
Quels sont les avantages et les inconvénients de l’apport-cession ?
Comme toute opération complexe, l’apport-cession présente des avantages et des inconvénients :
Avantages fiscaux de l’apport-cession
Examinons de plus près les avantages fiscaux que peut offrir l’apport-cession, notamment en matière de report d’imposition des plus-values.
Le report d’imposition : un avantage majeur :
L’un des principaux attraits de l’apport-cession réside dans la possibilité de reporter l’imposition sur les gains réalisés lors de l’apport des titres à une société que vous contrôlez. Ce report est automatique dès lors que certaines conditions sont respectées.
Les conditions pour bénéficier du report :
Plusieurs conditions doivent être réunies pour que le report d’imposition soit effectif. Premièrement, l’apport doit être réalisé au profit d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés. Deuxièmement, vous devez contrôler cette société. Enfin, cette société doit être située en France, dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État ayant signé une convention fiscale avec la France. On considère que vous contrôlez la société lorsque vous détenez, directement ou indirectement, la majorité des droits de vote ou des droits sur les bénéfices de cette société, que ce soit par le biais de votre groupe familial ou d’un pacte d’actionnaires.
Les conditions de réinvestissement pour maintenir le report :
Pour conserver le bénéfice du report d’imposition, la société qui a reçu les titres doit réinvestir une part importante du produit de leur vente dans une activité économique. Ce réinvestissement peut prendre la forme d’un financement des moyens permanents d’exploitation de l’entreprise ou d’une acquisition de participations dans d’autres sociétés. Il est impératif que ce réinvestissement soit effectué dans un délai de deux ans à compter de la cession des titres par la holding, et il doit représenter au minimum 60% du produit de cette vente.
L’exonération définitive de la plus-value : une perspective intéressante :
Si toutes les conditions de réinvestissement sont respectées et que les titres acquis grâce à ce réinvestissement sont toujours détenus par le contribuable cinq ans après le réemploi des fonds, alors la plus-value qui avait été mise en report est définitivement exonérée d’impôt sur le revenu. C’est donc un avantage fiscal non négligeable à long terme.
Les inconvénients de l’apport-cession :
L’apport-cession, malgré ses avantages fiscaux, présente également des inconvénients et des risques importants qu’il est crucial de connaître avant de se lancer.
Les risques fiscaux : une attention particulière à l’abus de droit :
Un des principaux risques est la requalification de l’opération en abus de droit par l’administration fiscale. Si l’administration considère que l’opération a été mise en place uniquement dans le but de profiter des liquidités obtenues grâce à la vente des titres, sans qu’il y ait un réel réinvestissement économique derrière, elle peut contester l’opération. Le Conseil d’État a précisé que l’abus de droit est caractérisé lorsque vous contrôlez la société qui reçoit les titres et que cette dernière ne réinvestit pas une part importante du produit de la vente dans une activité économique dans un délai raisonnable.
Le respect impératif des conditions de réinvestissement :
Le report d’imposition peut être remis en cause si la société qui a reçu les titres n’investit pas au moins 60 % du produit de leur vente dans une activité économique dans les deux ans suivant la cession. Si cette condition n’est pas respectée, la plus-value qui avait été mise en report devient immédiatement imposable.
La complexité juridique et comptable : des obligations à ne pas négliger :
L’apport-cession implique des obligations déclaratives strictes pour la société qui reçoit les titres, notamment en cas d’événement qui met fin au report d’imposition. Dans ce cas, la société doit déclarer la nature et la date de cet événement, ainsi que le nombre de titres concernés et leur prix de vente. De plus, si la vente des titres n’a finalement pas lieu, il faut revenir aux valeurs comptables initiales, ce qui peut engendrer des complications comptables. Pour anticiper cette éventualité, il est préférable que le traité d’apport mentionne à la fois la valeur réelle et la valeur comptable des éléments apportés.
Le mécanisme d’apport-cession présente un intérêt indéniable dans le cas de figure suivant : vous êtes actuellement propriétaire d’une entreprise, vous souhaitez la céder pour développer une nouvelle activité ou investir dans de nouvelles activités économiques (commerciale, artisanale ou libérale en dehors de la gestion immobilière) et vous ne comptez faire un cash-out de plus de 40% du prix de cession.
En tout état, cette opération étant particulièrement complexe, nous vous invitons à prendre contact avec des conseils compétents dans ce domaine qui pourront vous aiguiller sur les dispositifs les plus pertinents pour vous.
Le Cabinet BUEDER AVOCAT se tient à votre disposition pour échanger sur les différentes options qui s’offrent à vous et pour répondre à toute vos questions dans le cadre de la transmission de votre entreprise.