DAO : Décentralisation, autonomie et défis juridiques
Qu’est-ce qu’une DAO (Decentralized Autonomous Organisation ou Organisation Décentralisée Autonome (ODA)) ces organismes qui soulèvent de nombreux défis juridiques ? La définition retenue par le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris est : « une DAO est une organisation qui poursuit une activité ou un objectif en s’appuyant sur des mécanismes de prise de décision ou de gouvernance inscrits dans du code informatique déployé sur une blockchain ».
Imaginez une entreprise dirigée par ses membres de manière collégiale, sans organe de direction. C’est un peu ça, une DAO ! C’est une organisation qui fonctionne de manière autonome, grâce à des règles fixées par tous ses membres. Personne n’impose ses décisions, tout se fait de manière transparente et démocratique. Les règles et décisions sont exécutées de manières automatiques, une fois les conditions prédéfinies rassemblées, via l’usage de « smart contract ».
Elles offrent de nombreuses possibilités, comme gérer de l’argent de manière collective, créer des communautés unies par un projet commun ou même redéfinir la façon dont on dirige une entreprise.
Comment la loi traite-t-elle ces nouvelles organisations ? Quelles sont les règles à suivre ? Et surtout, quel avenir les attend ? C’est ce que nous allons découvrir dans cet article de manière succinte.
Les DAO : une « nouvelle » forme d’organisation
Comme nous l’avons évoqué, les DAO, nées en 2016, sont des organismes qui fonctionnent à l’aide de smart contracts.
Qu’est-ce qu’un smart contracts ? Imaginez des règles écrites dans un code informatique, des règles qui s’appliquent automatiquement dès qu’une certaine condition est remplie. Ces règles, ce sont les contrats intelligents, et ils sont au cœur de chaque DAO.
Mais les DAO ne se ressemblent pas toutes. Certaines se créent pour financer des projets, d’autres pour offrir des services, et ainsi de suite. Chaque DAO a un objectif unique, défini par ses membres. C’est comme une organisation en ligne, où chacun a son mot à dire et où les décisions sont prises de manière collective par ses membres.
La transparence des DAO
Les DAO fonctionnent sur la base d’une transparence totale. Chaque action, chaque décision, chaque transaction est enregistrée de manière publique et immuable sur une blockchain. C’est comme un grand livre de comptes accessible à tous, où l’historique de l’organisation est consultable en temps réel. Cette transparence radicale renforce la confiance entre les membres et les rend responsables de leurs actes. En effet, chaque contribution, chaque vote est enregistré et visible par tous. Cela permet de lutter contre la corruption et d’assurer une gouvernance équitable.
La gouvernance des DAO
La gouvernance d’une DAO est un processus décentralisé où chaque membre a son mot à dire. Les décisions sont prises collectivement, souvent par vote. Les règles de gouvernance sont définies dès la création de la DAO et sont inscrites dans des contrats intelligents. Ces règles peuvent être modifiées, mais uniquement si une majorité des membres est d’accord. Cette approche démocratique permet à chaque membre de participer activement à la vie de l’organisation et de s’approprier le projet.
Les avantages des DAO
Les DAO offrent de nombreux avantages par rapport aux organisations traditionnelles. Tout d’abord, elles sont décentralisées, ce qui les rend plus résistantes aux attaques et aux censures. En effet, il n’y a pas de point centralisé qu’un adversaire puisse cibler. Ensuite, les DAO sont très efficaces, car les processus sont automatisés grâce aux contrats intelligents. Cela permet de gagner du temps et de réduire les coûts. Enfin, les DAO sont inclusives, car elles permettent à tout le monde de participer, les formalités d’intégration et de sortie étant relativement simples.
Bien sûr, ce nouveau modèle d’organisation soulève de nombreuses questions. Si les DAO offrent de nombreux avantages, comme la transparence et la démocratie, elles posent aussi des questions : comment les protéger des attaques contre le système (comme par exemple l’attaque de THE DAO basée sur la blockchain Ethereum en 2016) ? Quel cadre juridique leur appliquer sans freiner leur innovation ? Sont autant de défis importants qu’il faut relever dès la naissance du projet.
La qualification juridique des DAO en France
En France, la question de la qualification juridique d’une DAO est complexe et fait l’objet de nombreux débats. Est-ce une association, une société, ou une forme juridique entièrement nouvelle ? Les juristes analysent actuellement les différentes options possibles. Chaque qualification juridique entraîne des conséquences importantes en termes de responsabilité : qui peut être tenu responsable en cas de problème ? De même, la fiscalité varie en fonction de la qualification juridique retenue. Enfin, la protection des membres est également un enjeu majeur. Si la DAO est considérée comme une société, les membres bénéficient de certaines protections prévues par le droit des sociétés mais les bénéfices réalisés par la DAO seraient imposés à l’impôt sur les sociétés.
En l’état aucune qualification n’existe, et en l’absence d’un choix pertinent effectué par les fondateurs, le risque de requalification de la DAO en société de fait est avéré.
Conséquences de cette requalification seraient :
- Sur le plan juridique : les associés de fait (les fondateurs) sont responsables de manière illimitée et solidaire envers les tiers, avec leur patrimoine personnel engagé. Par exemple, si une DAO provoque un dommage, les tiers pourraient demander réparation à n’importe lequel des associés de fait.
- Sur le plan fiscal : les revenus perçus par les associés de fait sont directement soumis à l’impôt sur le revenu entre les mains de chaque associé. Par exemple, si une DAO collecte des fonds en émettant un token utilitaire auprès de tiers, l’administration fiscale pourrait imposer les revenus provenant de cette levée de fonds directement aux associés de fait.
Le rôle des contrats intelligents dans le cadre juridique français
Les contrats intelligents, qui sont au cœur du fonctionnement des DAO, posent également des questions juridiques. Le droit français reconnaît-il la validité de ces contrats électroniques auto-exécutants ? Les juristes étudient actuellement comment intégrer ces nouveaux outils dans le cadre juridique existant. L’enjeu est de déterminer si les contrats intelligents peuvent être considérés comme des contrats valides et opposables, et dans quelles conditions.
Les enjeux de la protection des données personnelles dans les DAO
Les DAO collectent et traitent de nombreuses données personnelles sur leurs membres. Il est donc essentiel de s’assurer que ces données sont protégées conformément à la réglementation en vigueur, notamment le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Les DAO doivent mettre en place des mesures techniques et organisationnelles appropriées pour garantir la sécurité des données personnelles de leurs membres. Elles doivent également informer les membres de leurs droits et obtenir leur consentement pour le traitement de leurs données.
Le cadre juridique des DAO en France est en pleine évolution. Les juristes travaillent d’arrache-pied pour apporter des réponses aux nombreuses questions que posent ces nouvelles organisations. Les enjeux sont importants, car ils déterminent la viabilité juridique des DAO, la protection des membres et le développement de ce nouveau secteur.
En d’autres termes, il convient pour les porteurs de projets de DAO d’être proactif dans le choix de la structuration juridique en faisant porté le projet par une forme juridique existante en droit français, bien que cela contredise l’idéal décentralisé des DAO.
Les structures juridiques adaptées à une DAO en France : avantages et inconvénients
Le choix de la structure juridique d’une DAO est une décision cruciale qui aura des répercussions sur la responsabilité des membres, le régime fiscal, les formalités administratives et la gouvernance de l’organisation. Bien qu’il n’existe pas de statut juridique spécifique aux DAO, plusieurs options s’offrent aux créateurs de DAO.
Les associations loi 1901
- Avantages :
- Flexibilité : Les statuts d’une association peuvent être adaptés pour refléter les spécificités d’une DAO.
- Capacité juridique : L’association est une personne morale distincte de ses associés, ce qui facilite les relations avec les tiers.
- Simplification des formalités : La création et la gestion d’une association sont généralement plus simples que celles d’une société.
- Non-lucrativité : L’association a pour but de poursuivre un intérêt collectif et non de réaliser des bénéfices.
- Inconvénients :
- Responsabilité des membres : Les membres peuvent être tenus personnellement responsables des dettes de l’association, bien que cette responsabilité soit généralement limitée.
- Difficultés de levée de fonds : Il peut être plus compliqué, mais pas impossible, pour une association de lever des fonds auprès d’investisseurs professionnels.
Les sociétés commerciales (SARL, SAS etc…)
- Avantages :
- Responsabilité limitée : La responsabilité des associés est généralement limitée au montant de leurs apports.
- Capacité juridique : La société est une personne morale distincte de ses associés, ce qui facilite les relations avec les tiers.
- Possibilité de lever des fonds : Les sociétés peuvent plus facilement lever des fonds auprès d’investisseurs.
- Inconvénients :
- Formalités plus complexes : La création et la gestion d’une société sont généralement plus complexes et plus coûteuses que celles d’une association.
- Encadrement réglementaire plus strict : Les sociétés sont soumises à un encadrement réglementaire plus important que les associations.
- Fiscalité des résultats : Les bénéfices réalisés seraient soumis à l’impôt sur les sociétés.
En l’état actuel du droit, une solution envisageable serait hybride avec une combinaison de deux entités juridiques : une société commerciale (idéalement SAS) et une association loi 1901 (source : Publication du rapport du HCJP sur la réception en droit Français des organisations autonomes décentralisées, ou « DAO »).
La SAS, avec sa flexibilité et sa structure agile, accueille l’équipe fondatrice de développeurs. Elle offre ainsi un cadre juridique solide et limite la responsabilité personnelle de chacun de ses membres. En parallèle, l’association loi 1901, véritable cœur du projet, abrite le protocole et les actifs associés. Son fonctionnement démocratique et ses faibles contraintes administratives en font un outil idéal pour la gouvernance décentralisée.
Un contrat de prestation de services lie ces deux entités, définissant précisément les missions de chacune. La SAS, en tant qu’entreprise, se charge du développement technique du protocole, tandis que l’association, en tant qu’entité à but non lucratif, assure sa promotion et sa gouvernance et détient la propriété intellectuelle du protocole de la DAO.
La DAO existerait dans ce schéma de manière totalement autonome.
Le choix de l’association loi 1901 se justifie par plusieurs raisons : sa simplicité de création, sa flexibilité en termes de gouvernance, sa capacité à émettre des tokens et son potentiel d’exonération fiscale. De plus, elle permet de séparer clairement la gestion technique du protocole de sa gouvernance, tout en offrant la possibilité d’intégrer étroitement la communauté des détenteurs de tokens de gouvernance dans la prise de décision.
Cette structure hybride offre ainsi une solution assez équilibrée, combinant les avantages de la décentralisation propre aux DAO et la sécurité juridique d’un cadre institutionnel solide.
Dans cette structure, la responsabilité en cas de dommage pèserait sur la société commerciale développant le protocole de DAO et l’association propriétaire du protocole, mais plus sur les membres fondateurs.
La mise en place d’un projet de DAO soulève de nombreux défis, techniques, juridiques et structurels auxquels il convient de répondre assez tôt dans la création du projet.
En l’absence de consensus, un traitement du sujet de la structuration au cas par cas notamment en fonction de l’objectif de la DAO est nécessaire, notamment pour les DAO qui entrerait dans le champ d’application du règlement Européen MiCa.
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