Garantie d'éviction : protégez la cession de votre bail commercial

Garantie d’éviction : protégez la cession de votre bail commercial

La cession de bail commercial revêt une importance capitale dans le monde des affaires. Cette opération, souvent stratégique, engendre de nombreux enjeux : pérennité de l’activité, valorisation du fonds de commerce, etc. Pour éclairer cette thématique, nous nous appuierons sur un arrêt de cassation récent, daté du 4 juillet 2024. Cet arrêt met en lumière les risques inhérents à ce type d’opération et souligne la nécessité d’une extrême vigilance. En effet, une cession mal préparée peut entraîner de lourdes conséquences pour les parties. Notre analyse a pour objectif de vous fournir les clés pour comprendre la garantie d’éviction et protéger votre investissement lors d’une cession de bail commercial

La garantie d’éviction : un enjeu central

La garantie d’éviction constitue un élément central de toute cession de bail commercial. Elle offre au cessionnaire une protection juridique en cas de perte totale ou partielle de la jouissance des locaux loués. Il convient de préciser que même en cas de silence de l’acte de cession sur une éventuelle garantie d’éviction, l’article 1630 du Code civil dispose que cette dernière est applicable.

  1. Les causes d’éviction :
    • Irrégularités de la cession : Outre les exemples ci-après (non-respect des formalités, absence d’accord du bailleur), on peut mentionner les cas où la cession est réalisée en violation d’une clause d’inaliénabilité du bail ou d’un droit de préemption. Par exemple, si le bail contient une clause interdisant toute cession sans l’accord préalable du bailleur et que cette formalité n’a pas été respectée, le cessionnaire pourra invoquer la garantie d’éviction en cas de résiliation du bail par le bailleur.
    • Vices cachés du bail : Les vices cachés peuvent être liés à l’état des lieux (humidité, infestation d’insectes), à la destination des lieux (impossibilité d’exercer l’activité prévue), ou à des servitudes grevant les locaux (passage de câbles, servitudes de vue). Par exemple, si un vice caché rend les locaux inutilisables pour l’activité du cessionnaire, ce dernier pourra demander la résolution de la vente et la restitution du prix.
    • Résiliation du bail pour un motif imputable au cédant : Le cédant peut être responsable de la résiliation du bail s’il a commis une faute grave (non-paiement des loyers, dégradations des locaux). Dans ce cas, le cessionnaire pourra également invoquer la garantie d’éviction.
  2. L’étendue de la garantie :
    • Restitution du prix : Le cessionnaire a droit à la restitution du prix qu’il a versé pour acquérir le bail.
    • Remboursement des frais : Il peut également demander le remboursement des frais liés à l’acquisition du bail (frais de notaire, honoraires d’avocat).
    • Dommages et intérêts : En cas de préjudice supplémentaire (perte de clientèle, frais de déménagement), le cessionnaire pourra demander des dommages et intérêts.
  3. Négocier une garantie d’éviction solide :
    • Durée de la garantie : La durée de la garantie d’éviction peut être librement négociée entre les parties. Il est conseillé de négocier une durée maximale.
    • Étendue de la garantie : La garantie peut être étendue à d’autres risques que ceux prévus par la loi (par exemple, les risques liés à l’évolution de la réglementation).
    • Modalités de mise en œuvre : Les modalités de mise en œuvre de la garantie doivent être précisées dans le contrat de cession (délai de déclaration de l’éviction, preuves à apporter).

La garantie d’éviction est un outil juridique essentiel pour protéger les intérêts du cessionnaire. Il est donc primordial de la négocier avec soin et de bien en comprendre les contours. L’intervention d’un avocat est fortement recommandée pour sécuriser cette opération.

Du côté du cédant, il est possible d’écarter la garantie d’éviction conventionnellement. Cependant il conviendra de préciser que le cessionnaire acquiert le bail en connaissance des risques d’évictions. A défaut la garantie d’éviction s’appliquera mais demeurera limitée au remboursement du prix d’acquisition, à l’exclusion des dommages et intérêts et remboursement des loyers versés au bailleur par le cessionnaire.

Éléments clés à vérifier avant toute cession de bail commercial

Avant de se lancer dans une cession de bail commercial, il est impératif de mener une vérification approfondie de plusieurs éléments afin de sécuriser l’opération et d’éviter les mauvaises surprises.

  1. Régularité de la cession :
    • Formalisme légal et conventionnel : Outre la notification au bailleur et son éventuel accord, il faut vérifier si des clauses particulières prévoient une formalité supplémentaire (acte authentique, enregistrement…). Si le bail est soumis à un statut particulier (commerces de centre-ville, locaux d’activité), des règles spécifiques peuvent s’appliquer.
    • Droit de préemption : Il convient de vérifier s’il existe un droit de préemption au profit d’un tiers (commune, association de commerçants…) et de respecter les formalités liées à sa levée. Par exemple, dans certaines zones commerciales, les communes disposent d’un droit de préemption pour maintenir une diversité commerciale.
  2. Contenu du bail :
    • Clauses essentielles : Au-delà de la durée et du montant du loyer, il faut examiner les clauses relatives aux travaux, aux charges, à la destination des lieux, aux renouvellements, aux cessions futures… Par exemple, une clause restrictive d’activité peut limiter les possibilités d’exploitation des locaux.
    • Vices cachés : Un état des lieux d’entrée détaillé permettra d’identifier d’éventuels vices cachés affectant les locaux (humidité, installation électrique défectueuse…). Ces vices peuvent engager la responsabilité du cédant et diminuer la valeur du bail.
  3. Situation du locataire :
    • Respect des obligations : Il faut vérifier que le locataire est à jour de ses loyers et charges, qu’il entretient correctement les locaux et qu’il respecte les clauses du bail. Un impayé de loyers peut constituer un motif de résiliation du bail.
    • Litiges en cours : Des procédures judiciaires en cours (expulsion, contestation de loyers…) peuvent remettre en cause la pérennité du bail et diminuer sa valeur.
  4. Valeur du droit au bail :
    • Éléments d’évaluation : La valeur du droit au bail dépend de plusieurs facteurs : l’emplacement du local (zone commerciale, passage), la surface, l’état des lieux, la destination des lieux, la durée restante du bail, les conditions de renouvellement…
    • Méthodes d’évaluation : Plusieurs méthodes d’évaluation peuvent être utilisées (comparaison avec des biens similaires, actualisation des loyers futurs…). Il est recommandé de faire appel à un expert pour une évaluation précise.

Une analyse approfondie de ces différents éléments est indispensable pour prendre une décision éclairée lors de l’acquisition d’un bail commercial. Une telle diligence permettra d’éviter les mauvaises surprises et de sécuriser votre investissement.

Cession du droit au bail seul vs. cession du fonds de commerce : quelle option choisir ?

La cession d’un bail commercial s’avère être une opération délicate requérant une analyse fine des enjeux juridiques et économiques. Deux principales modalités coexistent : la cession du droit au bail seul et la cession du fonds de commerce. Chacune présente des spécificités qui vont influencer le choix du cédant et de l’acquéreur. Pour plus d’information quant à la cession de votre fonds de commerce, je vous invite à consulter mon article dédié accessible en cliquant ici.

Critère Cession du droit au bail seul Cession du fonds de commerce
Définition Cession du droit d’occuper les locaux commerciaux Cession de l’ensemble des éléments (corporels et incorporels) permettant l’exploitation d’une activité commerciale
Éléments transmis Droit d’occupation Droit d’occupation + clientèle, enseigne, matériel, savoir-faire, etc.
Complexité Moins complexe Plus complexe
Coût Généralement moins élevé Généralement plus élevé
Risques Éviction liée à des irrégularités ou vices cachés Moins de risques d’éviction grâce à une transmission plus globale
Formalités Moins nombreuses Plus nombreuses et plus complexes
Objectifs Cession rapide, simple et peu coûteuse Transmission d’une activité prête à l’emploi

 

Le choix entre la cession du droit au bail seul et la cession du fonds de commerce est une décision stratégique qui doit être prise en tenant compte de l’ensemble des éléments du dossier.

Le Cabinet BUEDER AVOCAT se tient à votre disposition pour vous accompagner et vous aider à pour sécuriser l’opération et choisir la solution la mieux adaptée à votre situation.

Face à la complexité de ces enjeux, n’hésitez pas à me contacter pour discuter de vos projets de cession ou d’acquisition de votre bail commercial.

Passionné par mon métier et le sport, je punch aussi bien du gauche que du droit ! Retrouvez tous mes articles techniques et de vulgarisation pour bien comprendre le droit des sociétés et des marques